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Performer

 

Performances de B. Zieger

Brigitte Zieger
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Performance de F. Nouguies

François Nouguies
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Performance de F. Menini

Fiorenza Menini
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Performance de F. Audéoud

Fabienne Audeoud
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Performance de JLC Chapuis

Jean-Louis Chapuis
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Une pratique temporelle

Je performe parfois pour des plasticiens. Dans cette partie je témoigne furtivement de ces expériences collaboratives sans trop m'étendre, je ne pourrais me substituer à une description du travail des artistes par eux-même. Il peut arriver que je témoigne de mon cheminement à l'intérieur du travail d'un autre. Alors que j'écrivais ma maîtrise "le théâtre matériau dans les films de J. Rivette" à l'Institut Français d'Etudes Théâtrale de la Sorbonne Nouvelle, je travaillais en même temps pour des compagnies de théâtre en tant que comédienne, je me suis rendue compte qu'au travers de l'étude de la théâtralité dans les films de J. Rivette, je m'intéressais à la redéfinition où à la difficulté à définir les disciplines. Dans cet exemple la présence du théâtral dans le cinéma m'a amené à réaliser ma première vidéo "un thé chez les fous" inspiré de Lewis Caroll. J'envisageais cette vidéo comme un mode visuel qui pouvait traduire des "choses" que je n'arrivais pas encore à trouver sur le mode scénique, quelque chose qui avait à voir avec le montage vidéo, le fragmentaire, la déconstruction... A la diffusion de cette vidéo dans laquelle j'apparaissais une artiste m'a présenté à Brigitte Zieger qui cherchais une comédienne pour investir un personnage qu'elle mettait en jeu dans son travail de plasticienne, elle avait déjà essayé avec d'autres personnes mais elle estimait qu'elles étaient trop "théâtrales", comédienne". Alors c'était parfait pour moi, après dix années d'ateliers de formations d'acteur, je cherchais instinctivement une voie qui échapperait à tout ce que l'on m'avait appris, qui abandonnerait totalement le personnage, de Stanislavski à ceux qui refusent en masse la psychologisation, jusqu'au modèle brechtien que j'ai expérimenté avec mon dernier professseur, même si ce dernier prône la distanciation, la notion du personnage me paraissait toujours être au centre de la représentation, comme si celui-ci était toujours mis à mal, à chaque tentative, il est repoussé, on croit l'avoir tué mais il revient au galop. Hans Thies Lehman dans "le Théâtre post-dramatique" parle très bien de comment le XXème siècle s'est essayé en vain de mettre fin au drame sans vraiment y parvenir. Quelle opportunité pour moi de me transformer en oeuvre d'art au lieu de venir faire l'actrice sur scène. Il s'agissait alors de ne plus avoir de rapport avec le personnage, mon vêtement de mousse créé par Brigitte Zieger était pour moi une sculpture, une surface plastique et il ne me restait plus qu'à être là. J'ai aussi apprécié ce travail collaboratif où en tant que plasticienne Brigitte Z. était

émerveillée dès que je me mettais à bouger et tandis que j'étais satisfaite de ne pas être dans la frustration habituelle celle de ne pas arriver à accéder à l'eidolon-personnage imaginé par le metteur en scène tout puissant. Plutôt que de continuer à me former comme comédienne, j'ai préféré développer mon propre langage, ma propre théorie, j'ai retenu une seule chose de toutes ces années de formation théâtrale, c'est l5 disponibilité. C'est la dimension de la disponibilité totale que j'active à chaque fois que je travaille avec un nouveau plasticien et en plus de cet état, je travaille dans mon for intérieur à une théorisation du travail de l'autre comme expérience exotique au sens premier et noble du terme, souvent je n'adhère pas au parti pris, le théoriser et accepter de m'y promener, voir où ça me mène me permet d'explorer les voies que j'ai refusées catégoriquement dans mon travail, j'adjoins toujours cette théorisation à mes propres recherches. Ce travail secret que je fais en total acceptation du travail de l'autre me permet de rester professionnel, d'aller au bout avec l'autre sans le remettre en question dans l'humilité qui est la qualité fondamentale dans ce travail de disponibilité, de lâcher prise. Ainsi les moments que j'ai préféré avec B. Zieger ne sont pas ceux où j'ai déambulé mais ceux où j'ai été posé comme une oeuvre sur une étagère dans un appartement, sur un canapé ou sur un lit à l'hôtel Scribe, sur un comptoir, les deux soirs de vernissage, lors de l'exposition Abracadabra de Catherine Grenier à la Tate Britain. Etre assimilée à un objet dans ce cas là, pourrait laisser croire que je prends plaisir à être réduite à une femme objet, mais c'est tout le contraire, que croyez vous? C'est du temps purement artistique qui passe sur moi à ce moment, de la durée, le personnage peut bien aller se faire voir, le temps esthétique, j'aime ça. Même lorsque j'ai posé pour Edouard Levée dans la série fiction, il ne le savait pas, je n'étais pas comme d'habitude, j'ai écouté ses paroles pour me mettre en place avec la plus grande concentration, j'avais changé de régime, mes gestes étaient précis et mes phrases un peu plus désinvoltes que d'habitude. Pour en revenir à l'état d'objet, qui n'est biensûr qu'apparent, je peux raconter que lorsque B. Zieger, me prépare parce qu'une fois que j'ai mis la robe je ne peux plus mettre la perruque, ni la coiffer, elle le fait pour moi et elle me dit alors qu'elle a l'impression de préparer sa poupée et je suis très docile, je la laisse faire, j'observe son stress, je sais qu'elle me transmet son travail à ce moment, que bientôt elle ne pourra plus rien, je serais la seule détentrice.

Je pense alors au théâtre nô: les acteurs avant d'entrer sur scène, revêtent un masque très codé qui correspond à un personnage précis, ils le mettent dans un sas dans lequel il y a un miroir, ils se mirent et se laissent ainsi pénétrer par l'image du masque. Je me laisse pénétrer par les grimaces de Brigitte, mais au contraire du nô qui est une forme figé qui se transmet selon les traités de Zéami depuis des siècles, je fais passer les grimaces à la poubelle, plus ses gestes deviennent brusques, plus je me calme et entre en corps-temps. Je peux raconter une anecdote qui concerne mon corps-temps qui paraît femme objet. Le soir du deuxième vernissage à la Tate, après la performance, j'ai enlevé mon maquillage, le rouge à lèvre qui résiste aux baisers, mes cheveux étaient un peu gras à cause du temps passé sous la perruque, j'ai mis mon pantalon un peu terne et pas celui qui me va le mieux, mon pull était sans forme et je suis allée rejoindre quelques artistes de l'expo dans un bar clandestin de Londres. Restant discrète, je ne suis pas celle à qui l'on s'est risqué le plus facilement à parler, mon petit ami que j'avais mis dans ma valise avait plus franc succès. J'ai dû poser une question à notre interlocuteur, un producteur ami d'artiste et il a bien fini par m'adresser la parole. Lorsqu'il a su que j'étais la fille qui était posé sur le comptoir à l'entrée de l'exposition il a écarquiller ses yeux, il était en train de superposer l'image de la performer et de celle qui qui était dans le bar et ça avait du mal à coïncider. Il m'a dit à bon! Mais la fille de la performance était beaucoup plus grande! Je lui ai répondu: Mais quand je performe, je suis très grande! Alors avec ce temps qui passe sur mon corps, je peux même créer des illusions d'optique, je n'avais jamais eu comme projet d'explorer le cinétique, comme quoi... J'ai commencé à mon tour à faire des performances, je n'en ai documenté que deux sur ce site (performance du ventre et performance du tennis) et j'ai fait ma deuxième pièce vivante [KROIZ'MAN] qui commençait à mettre en jeu le fruit de mes réflexions de ma vie de performer. De plus en plus je sépare mon activité qui consiste à créer des spectacles de mon activité de plasticienne et je ne fais plus de performances. La question du transdiciplinaire m'a paru nécessaire et pertinente il y a une dizaine d'année, à présent j'ai trouvé le régime de représentation que je souhaite développer. Il n'en reste pas moins que je continue à envisager de performer pour d'autres plasticiens, ces mises en disponibilité, ces squizes, sont des lieux de théorie qui alimentent mes propres réflexions et mon travail.