Les Marqueurs Temps constituent une série de pièces plastiques dans laquelle le temps est un référent structurant. Dans le Marqueur Chine je me sers d'un épiphénomène que j'observe au présent, je cristallise cette manifestation, comme un témoin et prélève des éléments qui lui sont connexes à partir duquel j'invente un récit subjectif et arbitraire. Dans le Marqueur Drapeau, je déplace la question matérialiste du territoire et de l'espace à une pratique extensible du temps. Dans le marqueur bureau, une arrête le composant fouille une histoire discontinue, celle qui ne fait pas Histoire et rencontre le temps présent par le biais d'une conférence qui se donne dans le flux à l'auditoire. Dans le Marqueur Meeting, un événement passé perdure au présent au détour d'une apparition fantomatique, tandis qu'un autre en apparence bénin se manifeste dans le présent, sémillant, et élargit le champ d'interprétation de l'événement passé. La récurrence du temps dans ces pièces n'en constitue ni le sujet, ni l'objet, ceux-ci sont tout autres. Le temps ici contextualise le sujet, l'objet, l'évocation, l'allusion, la référence, la figuration, le symbolique... La structure temporelle produit une forme distincte de celle qui s'offre à la perception première du regardeur, je lui ai donné le nom de sculpture temporelle. Prendre le temps plutôt que l'espace comme référence contextuelle est une allusion à "Matière et Mémoire" de Bergson ou à l'ouvrage "le Bergsonisme" de G. Deleuze dans lequel celui-ci revient sur "Matière et Mémoire". Dans l'ouvrage de référence Bergson dénonce les faux problèmes en philosophie, selon lui ceux-ci ne sont pertinents que si l'on retrouve les vrai différences de nature, ces dernières sont souvent confondues avec des différences de degrés. Sans rentrer dans les détails, selon Bergson il est primordial de poser les problèmes et leur résolution plutôt en fonction du temps que de l'espace, car selon lui la durée est le lieu des différences de nature.
La sculpture temporelle serait le lieu manifeste des recoupements et des différences de nature, lieu de l'aphasie, de l'irreprésentable et du sublime, qui révèle une attitude romantique. Cette attitude ne s'impose pas dans un sujet, dans une forme produite, cette dernière est composite, de la même façon que la réalité confond les différences de nature et se présente au travers de mixtes mal annalysés. (cf Bergsonisme) Il s'agirait d'un néo-romantisme décrété qui ne s'incarnerait pas dans la réalité produite, dans ce qui s'offre à la perception immédiate du regardeur, mais dans le rapport qu'entretiennent les éléments constitutifs de la pièce au temps, c'est à dire isolés dans des différences de nature, séparés de la réalité (cf Bergsonisme par G. Deleuze) Cette contexture immatérielle est un terrain qui suscite chez moi une fascination, dans laquelle je ne cesse de me promener, lieu de rêverie où les éléments sont reliés entre eux dans une cohérence qui touche au fantastique. Lieu secret, la sculpture temporelle, propice à l'isolement, à l'introspection de ses propres structures n'en est pas pour autant coupé du collectif. Si je continue à modaliser la réfléxion sur mes marqueurs temps d'après "Matière et Mémoire"- "Le bergsonisme", au détour d'un petit rappel: la forme visible du marqueur temps serait un mixte mal analysé qui est donné au spectateur, la sculpture temporelle serait coupée de la réalité, lieu des différences de nature et recoupements "suivant des voies convergeant vers un même point idéal que seule l'intuition distingue (dépassement de la durée psychologique) et il y aurait en amont la mémoire, coexistence du passé et du présent que je relie au collectif, le souvenir s'actualise via la sculpture temporelle et se présente au regardeur. Le collectif est l'organisation sociale dans laquelle les marqueurs temps émergent, si la sculpture temporelle est le lieu d'une subjectivité romantique transitoire, on peut se demander
si celle-ci est reliée au collectif puisque coupée de la réalité et de quelle manière. Actuellement j'investis cet aspect des marqueurs, il s'agit pour moi de relier, l'attittude introspective inhérentre à la sculpture temporelle, au collectif, c'est à dire de tenter de retrouver les souvenirs qui ont fait poindre les marqueurs temps. De façon à échapper à ma propre subjectivité appliquée au collectif, je travaille actuellement à une pièce sous forme de publication dans laquelle j'invite des critiques d'art, philosophes, artistes... à documenter mes marqueurs temps, afin de mettre en relief ce qui dans le collectif a bien pu donner naissance à chaque marqueur temps. La nature des documents qui alimenteront les marqueurs seront diverses, du croquis à l'essais, de la carte géographique au souvenir personnel, ceux-ci seront autant d'hypothèses, du rationnel au farfelu, du ressenti au scientifique, celles-ci seront le fait de postures subjectives. Effectivement au travers de ces hypothèses, je ne cherche pas à retrouver l'origine des marqueurs temps mais suppose que des hypothèses personnelles aussi faussent soient-elles comme le fait remarquer Newton à l'encontre de Descartes ne sont pas moins propices à découvrir des propositions vraies. Ces fausses hypothèses feraient apparaître les dimensions cachées mais néanmoins collectives qui seraient tombées dans l'oubli de chaque Marqueur Temps, le lacunaire de l'oeuvre retrouverait le spectre fondateur totalement fantasmé. Ce spectre qui se dégagera aussi au travers de la mise en forme de la documentation évitera la dissolution dans le collectif, il n'est pas question de réinvestir les grands récits, il sera envisagé comme la somme de farces subjectives, d'incongruités et de singularités qui s'aditionnent dans l'amamnèse.
Le livre hypothèse a été créé en lien avec les Marqueurs Temps. Consulter la documentation
contibutions de:
Y. Citton
B. Gallet
E. Florenty
A. Froment
S. Lee
M. Montarazami
B. Seror
M. Sochor
V. Thomasset
L. Troncoso M.