j'ai pris plus de 300 photos lors d'un meeting politique sur une île des cyclades en Grèce, alors que l'on ne parlait pas encore de la crise qui allait toucher ce pays. Malgré le nombre élevé de photos ma démarche n'a pas été documentaire, ma subjectivité a travaillé jusqu'à ce que ma présence comme acte artistique entre en coïncidence avec une autre forme de vision politique qui n'est pas celle du meeting.
J'ai remarqué que la plus grande tribune n'était pas utilisée par les politiciens, elle restait comme le lieu libre et vierge d'une parole possible ou invisible. Toujours sur cette tribune, le micro qui la justifiait, était orienté vers un tableau accroché au mur. Si je voulais avoir dans mon cadre des politiciens et le tableau afin d'interroger cette coexistence, le micro se trouvait quasi central et il indiquait la peinture en question comme le fait une ligne de fuite dans un tableau classique.
Je fais durer cette expérience en créant une dichotomie dans l'image. Une partie de l'image est mise au passé comme un événement qui a eu lieu: le meeting politique.
Les corps des politiciens ont été effacés et laissent place à des silhouettes fantomatiques, ainsi que les bannières, affiches, qui délivraient des messages ou une appartenance. Seuls les archétypes de l'événement restent visibles et témoignent de ce qui a eu lieu.
J'ai choisi de ne pas donner le statut de photo à cette image, je l'ai transférée, imprimée sur un enduit lui même pris sur un contreplaqué. Cette image ainsi transférée rappelle le fragment de mur, le fragment archéologique, une réminiscence.
La dichotomie en question est une scission entre le passé et un présent que je fais perdurer.
Ce présent qui s'actualise dans le présent, est investi par le micro orienté vers le tableau, cette situation énigmatique laisse une infinité d'interprétations possibles, cette parole invisible donne lieu à autant de spéculations et scénaris divers.
Des paillettes recouvrent la mousse micro, elles captent la lumière et rendent ainsi le présent palpable.