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Où as-tu rangé Seulgi?

Durée: 1h15
Description: Pièce vivante
Répétitions:Ce travail a été exploré lors de deux accueils studio an Centre National de la Danse à Pantin en juin 2006 et Mars 2007.

Avec la participation de:
Gurvan Cloatre
Swati Gupta
Alain Subiglia

Propos:
"On se souvient de la fameuse question de Staline "Le Pape: combien de divisions?" De la même manière aujourd'hui on pourrait se demander: "Le Réel: combien de couches?" une question qui en appelle d'autres: "Jusqu'à quel point peut-on étirer la réalité avant qu'elle ne se déchire? Combien de couches supplémentaires peut-on greffer sur la réalité avant qu'elle ne s'effondre?" Aujourd'hui, de telles questions apparaissent aussi absurdes que celle posée jadis par Staline. En effet, plus le XXe siècle avançait, plus le réel manifestait sa complexité. Et plus on multipliait les efforts pour l'analyser, plus ce dernier faisait montre d'une incroyable élasticité révélant un corps indéchirable, extensible et pliable à volonté."1
Ce réel, indivisible, est entre autres le lieu de multiples temporalités qui participent de cette complexité. Ces temporalités comme l'ennonce G. Deleuze dans "le bergsonisme"2, sont de différentes nature, la durée est le lieu des différences de natures, tandis que l'espace n'est que le lieu des différences de degrés. Ainsi ce réel est-il indivisible car les temporalités qui le traversent sont de natures diverses.
Dans cette pièce chorégraphique, je souhaite non seulement mettre en oeuvre ces différentes temporalités, mais aussi les faire coexister le temps de la représentation, suivant la logique du magnéto multipiste ou du logiciel de musique qui superpose des pistes sonores, les pistes étant ici une présentification des couches du réel. De façon concrète, chaque piste est incarnée dans une suite d'actions (que je détaille un peu plus loin) par un performer / danseur, ces pistes développent leur propre logique et sont de natures différentes.
A propos, du temps, (image-souvenir/passé et image-perception/le présent dans la matière) Gilles Deleuze toujours dans "le bergsonnisme" rappelle aussi comment Bergson souligne la nécessité de raisonner une question philosophique d'après des éléments de même nature, sans cela ce serait des faux problèmes qui seraient exposés. Dans cette pièce chorégraphique, chaque piste temporelle serait une problématique en soi, elle s'exprimerait en elle-même et n'aurait aucune vocation à entrer en relation avec une autre piste. Une des pistes est une conférence sur la présence des animaux dans l'art. La particularité de cette piste, ce qui en caractérise sa nature est qu'elle s'inscrit strictement dans le présent puisque c'est une parole qui s'adresse directement au public. La conférence évoque le savoir scientifique, le discours, la pensée énoncée, une émission radio. Le vocabulaire corporel se coule dans ce flux présent.
Une autre piste est l'aménagement d'un habitat, un espace se construit, s'agence sous-tendant une forme de vacuité, de problématiques domestiques répétitives, ranger, accumuler, trier, jeter, acheter. Les attitudes corporelles se dilatent, se ralentissent, suggèrent des arrêts sur image, opèrent un étirement du temps, soit le corps est affublé d'un poids ou alors il est léger de ce que peut-être il ne fait pas. Cette fiction domestique extrêmement pauvre alimente la nature de cette piste.
Une troisième piste d'une nature encore différente, plus abstraite, elle est bande sonore, musique. Un danseur est la bande sonore de la pièce. Le danseur dissout la figure humaine dans l'axiome musical, sa logique est d'autant plus permissive et laisse supposer que son vocabulaire sera des plus singulier.
Chaque piste laisse entrevoir sa propre logique, son organisation en tant que phénomène en soit et isolé. En faisant coexister ces pistes, je cherche des rencontres fortuites qui produisent du sens comme peut le faire le hasard ou alors j'attends des visions qui échappent au sens. Dans les deux cas, il s'agit d'offrir à la perception du spectateur l'expérience d'une mise en pièce de la réalité lui permettant de voir des pistes temporelles de façon isolées ou alors de se laisser aller à une symphonie de sens, acceptant de voir ces temporalités de façon simultanées pour ne voir plus qu'un seul réel brouillé mais sensible.
1Marc-Olivier Wahler, Fresh Théorie, le Réel combien de couches? p 59, ed Léo Scheer
2"le bergonisme" de Gilles Deleuze, p 23, 24 - ed. puf

Où as-tu rangé Seulgi?
Où as-tu rangé Seulgi?
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Ou as-tu rangé Seulgi?
Où as-tu rangé Seulgi?
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